Pourquoi l’intérêt des candidats est-il encore oublié avec la dernière polémique sur les Auto-écoles ???


La vérité est acquise et fonctionne toujours très bien dans l'imaginaire collectif : Le permis de conduire est cher à cause de ces « salauds » d'auto-écoles. En matière de presse, ce type de sujet s'appelle un marronnier et revient donc régulièrement plutôt en automne d'ailleurs. Cette rentrée, ces articles sont alimentés par une étude qui oublie encore et toujours l'intérêt des candidats et stigmatise en trompe-l’œil les auto-écoles.


Si la vérité est connue, son principe l'est également. Une association de consommateurs réalise une étude que la presse relaye sans connaître la réalité du dossier. La recette fonctionne toujours, alors énièmes polémiques sur le prix du permis. Cette fois l'UFC s'y colle après « l'Accès à la culture et financement de la création à l'ère numérique » et avant un autre cheval de bataille à des années-lumière du permis. Le permis auto n'est qu'une séquence mais n'empêche pas d'y être une force de propositions.
Dans le titre, tout est là, même le vernis de la sécurité : « Le permis de conduire, une indispensable réforme pour baisser son coût au bénéfice des consommateurs et de la sécurité routière. ». Le dossier fait 55 pages pour finalement proposer 3 choses :
  Un accès autonome des candidats à l'examen pratique. Favorisé les auto-écoles dématérialisées sur internet et créer un statut d'accompagnateur professionnel certifié qui pourrait prendre le relais après les 20 heures en auto-école. Mieux informer les consommateurs avec un affichage harmonisé des tarifs et des taux de réussite.

Ces trois propositions sont le fruit d'une étude sur le prix du permis qui arrive à la conclusion que le permis B coûte en moyenne 1 804 € et avec une volatilité sur le territoire français allant de 1 468 € pour le « petit » Territoire de Belfort à 2 140 € pour le très autophobe « Paris » et pour une formation de 35 heures avec un forfait de 20 heures, plus 15 heures supplémentaires. En bref, rien de nouveau, des vérités premières, une logique simpliste qui suppose néanmoins que le monde de l'auto-école est responsable de cette situation tout en reconnaissant un cadre réglementaire inapproprié : « Face à une réglementation bancale, trop d'auto-écoles passent au rouge ».

Le constat est bon, mais L'UFC se trompe de cible !

À la rédaction de Permis Pratique – surprise -, nous sommes en accord ou presque avec ce principe, presque, car en réalité l'auto-école et les candidats sont prisonniers du système d'obtention du droit à la conduite automobile en France instauré par l'État. Les auto-écoles s'y adaptent plus ou moins, dérivent parfois, galèrent aussi et les candidats trinquent obligatoirement. Comme les premiers sont les interlocuteurs et les fournisseurs des deuxièmes, ils assument de fait la responsabilité du foutoir. L'État vrai coupable échappe ainsi à sa responsabilité par ce subterfuge.
Avec un peu de perspective, l'apprentissage de la conduite et l'obtention du droit à la conduite, les deux composantes du « permis » résultent d'une équation unique entre secteur public et privé et cumulent surtout les défauts des deux secteurs. Le permis B est dans les faits un jeu de billard à trois bandes avec un législateur ultra intrusif et pas super à l'aise avec l'automobile qui règle tout, mais délègue « généreusement » la formation des conducteurs au secteur privé, avant d'arbitrer à sa guise la délivrance de ce droit.
Ce principe public/privé est mère de tous les maux du permis auto et régulièrement dénoncés dans nos colonnes et nous amène à une lecture forcément différente de ces trois propositions.

Bénéfice pour le consommateur mais pas pour le candidat

Justement la délivrance de ce droit à conduire reste la chasse gardée de l'État et celle de ses inspecteurs également malmenés par ce principe. Permettre aux candidats de s'inscrire directement à l'examen ne réduira pas le coût du permis, si l'examen n'est pas facilement disponible et revu. Le système d'attribution des places d'examen pratique est débile au point d'en faire le Graal de tous : Auto-écoles et candidats afin d'ériger le taux de réussite en porte-drapeau, de bloquer en fait la possibilité de changer d'auto-école. Il paraît injuste de reprocher aux auto-écoles de jouer les règles de ce jeu pernicieux qui lui échappe totalement en réalité. De même, si militer pour l'ouverture du marché de la formation à des moniteurs indépendants relayés par des plates-formes internet présente un véritable intérêt pour le consommateur d'une manière général. Dans le secret du permis, le diplôme de moniteur ne permet pas, même récemment réformé, l'autonomie d'un moniteur. Apprentissage obsolète, absence de formation à la pédagogie ou de mise à niveau, en secret, c'est la structure de l'auto-école qui forme aujourd'hui concrètement les moniteurs. Il faut bien comprendre que conduire et obtenir ce droit sont désormais deux choses bien distinctes et que c'est l'État qui a créé ce fossé. Alors, créer un nouveau statut de formateur post auto-école ne serait que mettre un énième pansement sur une jambe de bois vermoulue.

Les trois variables inavouables du permis de conduire

Le parcours du candidat reste truffé de variables, la première est celle de la compétence de son moniteur à le préparer à la réussite de l'examen, arrive ensuite la sévérité de l'inspecteur, entre la jeune peau de vache et pépère sympa, les deux n'ont pas le même taux de délivrance à l'examen, évidemment aucune de ces variables n'est jamais prise en compte de même que la capacité réelle du candidat à apprendre à conduire en pratique, voilà c'est dit. Prenez le permis moto par exemple, beaucoup plus difficile que celui pour la voiture, il s'adresse à une population globalement motivée et obtient le meilleur taux de réussite de tous les permis avec 90 %, ce taux n'est que de 60 % en B.  Il existe enfin un paradoxe entre le permis et la conduite, jamais les autos n'ont été aussi rassurantes, faciles à conduire : embrayage et boite de vitesses passent tout seul, les directions sont assistée et les freins ultras efficaces et ce avant de parler d'assistance à la conduite. Pourtant le permis, le droit de conduire n'a jamais été aussi complexe. Les deux raisons de cet écart est que le contenu théorique à exploser ses vingt dernières années, la culpabilité à utiliser une auto aussi au point de devenir anxiogène et stressante pour le candidat comme pour le conducteur. La France est devenue anti voiture dans son ADN, son utilisation est prohibée et en premier lieu par le permis forcément schizophrène du coup. L'explosion du programme théorique fait qu’aujourd'hui beaucoup d'heures de conduite sont dédiées en réalité à leurs apprentissages et non à la pratique de la conduite et à l'expérience de celle-ci. Le nouveau Code de la route introduit en juin 2016 à la vas vite parle de tout : des premiers secours, des aides à la conduite, de la conduite éco responsable, des autres utilisateurs. Résultat, les candidats reçus actuellement ne savent même plus reconnaître une simple - mais fondamentale - priorité à droite, un problème alors réglé par de coûteuses heures de conduite. Justement l'étude de UFC a été menée à cette période de juin ou l'État a pris de court auto-écoles et candidats par sa réforme du Code.

Propositions illusoires

Multiplier les formateurs augmenterait sans doute les difficultés à obtenir le permis sans garantir une réduction des délais et de son prix final. L'apprentissage de la conduite est si complexe actuellement qu'il faut un suivi. Enfin, aucun candidat n'a l'envie de multiplier les véhicules d'apprentissage. Dans tous les cas, les premiers à se dématérialiser seront finalement les auto-écoles, les solutions techniques existent déjà pour cette mutation qui revient en pratique à supprimer le sale de Code, vieille contrainte réglementaire. Attention donc aux mirages, ils sont nombreux et particulièrement en France en matière de permis.

 


Jeudi 1 Février 2018
Christophe Harmand


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